Pour quelle raison se rendait-il au manwol bar déjà ? Ah oui, parce qu’il était un pirate et que les pirates fréquentaient souvent ce genre de lieux, que cela soit pour se détendre comme pour le travail. Malheureusement pour l’officier Amaël et Hyunseo, s’ils pénétraient dans cet endroit ce soir c’était pour la seconde option : ils avaient été recrutés pour la mission quotidienne de dérober quelques biens par-ci par-là aux clients. Tout cela était tellement banal que le jeune matelot s’ennuyait en se servant dans les poches ou les sacs des gens de toute façon pas assez sobres pour s’en rendre compte. C’était décidément trop mou et trop facile, il n’y avait aucune fierté à tirer de cette façon de procéder. Il lui traversa plusieurs fois l’esprit l’envie de s’adresser à l’une de ses victimes quitte à déclencher une bagarre. Est-ce que son supérieur lui en tiendrait rigueur ? Il ne savait pas et n’obtiendrait la réponse qu’en essayant. Sans attendre plus longtemps, il se hissa d’un pied sur une table avant de rapidement prendre appui du second afin de ne pas perdre l’équilibre. Un verre de sangria et voilà que la tête lui tournait légèrement dès qu’il se trouvait en hauteur. Alors qu’il parcourait la salle du regard sans prêter attention à celui d’Amaël qui se posait sur lui avec interrogation, un homme solitaire assis à l’angle du comptoir attira son attention. Il émanait de lui un sentiment complètement différent de tous les autres ivrognes présents, si bien que cela titilla juste assez sa curiosité afin de l’inciter à sauter de son perchoir et de s’approcher.
Sans gêne, il posa ses deux coudes sur le meuble près du jeune homme et se pencha en avant de façon à mieux voir le visage jusqu’alors baissé sur son verre. Il se fichait totalement d’envahir son espace personnel et ses lèvres s’étirèrent d’un côté, donnant à son visage toute l’insolence qui y sommeillait. Il venait de mettre la main sur le gros lot ; Ahn Snow, le précédent capitaine des Tigers était de retour en ville après plusieurs mois d’exil. « Tiens, tiens. Regardez qui voilà. » Il le reconnaissait plutôt bien parce qu’il lui avait été donné de le croiser plus d’une fois, l’ex pirate semblait aimer mettre des bâtons dans les roues de son équipage. « Me dis pas que t’essayais de passer inaperçu, cap’taine ? »

Hyunseo ne put retenir un rire lorsque l’homme à ses côtés le questionna sur son identité. Que devait-il répondre ? Il n’allait certainement pas s’abaisser à la lui divulguer lui-même non, il garderait donc son pseudonyme secret. Il ne commenta pas non plus le terme argotique, ne se sentant absolument pas offusqué ou concerné puisque dans son sang coulait uniquement du sang coréen (paraît-il).

S’il était venu provoquer gentiment Snow, celui-ci ne semblait pas d’humeur à maintenir une certaine note de respect mutuel et vint froisser l’ego du matelot sans détours. Ce dernier ricana alors, un rire jaune et forcé qui l’aidait à ne pas venir tout de suite lui flanquer une droite de laquelle il se souviendrait longtemps. A la place il glissa une main le long de la colonne vertébrale qui s’offrait à lui et l’arrêta juste dans le creux de ses reins tout en murmurant d’une voix chantante. « Peut-être que tu te rendrais compte d’à quel point ça l’est si je te la foutais dans le cul. » Bon, la gentillesse de sa part, il fallait oublier aussi désormais. Le bras en question ne tarda pas à être saisi et détaché du corps de l’ex-tiger. Il ne broncha pas et se contenta de jeter un regard en biais à son binôme et supérieur. En revanche, ce qui venait d’être dit le fit rouler des yeux. Bla bla bla. Franchement qu’y avait-il de plus à voler dans ce bar pourri où plus personne ne faisait attention à ses affaires ? Leurs besaces à tous les deux étaient suffisamment remplies à présent, pourquoi ne pas s’amuser un peu ? Et se défouler ? Cela faisait plusieurs jours que les lanboashis n’avaient eu aucune confrontation avec personne si bien que ses muscles lui donnaient l’impression d’être en train de rouiller. Hyunseo soupira finalement et recula d’un pas. Même si le code de la piraterie lui donnait le libre droit de ses actions comme de ses agissements il préférait s’en tenir à ce que son supérieur lui disait, par simple respect qu’Amaël était parvenu à gagner. « Alors tu veux qu’on fasse quoi ? On l’a sous la main et tu ne comptes rien faire malgré tous les ennuis qu’il nous a causés de son temps de gloire ? Oh Ama, j’t’en prie. » Une fois de plus, ses paroles étaient accompagnées d’une grimace.